Le protocole d’urgence pour les personnes en situation de handicap est « aberrant » dans le Réseau express métropolitain (REM), dénonce un usager atteint de paralysie cérébrale qui l’a constaté à ses dépens, samedi, lors d’une interruption du service.
« Dans la réalité, il n’y a aucun plan d’urgence pour les personnes handicapées dans le REM. Pas du tout. Aucun. C’est aberrant comment le service pour les personnes à mobilité réduite est presque inexistant. C’est pourtant un gros système de transport. Il devrait y avoir des mesures claires en place », lance Christophe Rudyj en entrevue avec La Presse.
Samedi dernier, alors qu’il tentait de rentrer jusqu’à la station Brossard, d’où il prend un service de transport adapté jusqu’à son domicile de Saint-Mathias-sur-Richelieu, une panne prolongée est survenue vers 20 h en raison d’un dégagement de fumée survenu près de la station Île-des-Sœurs.
Des navettes d’autobus ont alors été déployées, comme le veut le protocole, entre Brossard et la gare Centrale. Le hic : ces autobus « ne sont pas du tout accessibles universellement malgré ce qu’ils prétendent », déplore M. Rudyj.
« Il était rendu 21 h 30, ça faisait un bout que j’attendais quand un agent du REM m’a confirmé que les navettes n’étaient pas accessibles pour moi, en me disant que de toute façon, c’était bondé. Ils m’ont dit de commander un transport adapté. Mais ça se réserve 24 heures à l’avance ! », relate le principal intéressé.
Ultimement, le transporteur exo, qui gère les services de transport adapté, « a fait des pieds et des mains pour me trouver un chauffeur », dit Christophe. « Je les en remercie, mais ce n’est pas normal et c’est inacceptable qu’on en soit là. Ça serait tout à fait possible et même nécessaire d’avoir des taxis en relève autour du REM, en temps de panne, pour les personnes en chaise roulante comme moi. »
« Il y a des vies qui sont en jeu »
Ce n’est pas la première fois que cet enjeu est soulevé sur le parcours du train léger. Depuis son inauguration, en juillet, de multiples bris d’ascenseurs ont suscité des inquiétudes, notamment du côté du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ).
« On a demandé au REM quels étaient leurs protocoles d’urgence en cas de pépin majeur et chaque fois, ils ont refusé de nous le dévoiler pour des raisons stratégiques, en assurant que tout était en place. Pour être honnête, de notre côté, on n’y a jamais cru », affirme le directeur général du RAPLIQ, Steven Laperrière.
En ce moment, « les wagons sont accessibles, certes, mais tout le reste autour, pas vraiment », affirme-t-il.
On est à la merci d’un ascenseur qui fait défaut ou de tout autre pépin technique qui provoque une panne. Et quand il y a des vies qui sont en jeu, c’est un gros problème.
Steven Laperrière
La clé, selon lui, « serait de donner plus d’information et d’être prêts à réagir à toute situation ». « Tant que ça ne sera pas véritablement le cas, on ne pourra pas dire que le REM est véritablement accessible pour tout le monde », insiste le DG, qui appelle CDPQ Infra à faire des simulations plus régulièrement. « Sinon, le plan, il est tout simplement brouillon. »
Christophe Rudyj abonde en ce sens. « C’est une question de première nécessité pour nous. S’il y a un feu sur le REM, il se passe quoi ? On doit pouvoir le savoir », dit le père de deux enfants, qui est aussi propriétaire d’un magasin rue Sainte-Catherine, au centre-ville de Montréal.
« Une erreur dans l’application du plan de relève »
Chez exo, le porte-parole Jean-Maxime St-Hilaire concède qu’« il semble y avoir eu une erreur dans l’application du plan de relève » samedi dernier.
« Dans ce cas exceptionnel, les véhicules de transport adapté d’exo sont autorisés à traverser le pont pour aller chercher des usagers à l’une des stations du REM à Montréal. Nous avons apporté les correctifs auprès de nos équipes et de nos partenaires pour qu’une situation similaire ne se reproduise plus », soutient-il.
« Tous les employés d’exo impliqués dans la situation ont cherché de bonne foi à aider l’usager à se rendre à destination », assure-t-il. « La modification en temps réel des circuits des véhicules de transport adapté présente plusieurs défis. Nos employés font de leur mieux pour accommoder les demandes de dernière minute en minimisant les conséquences sur les autres usagers », explique M. St-Hilaire.
CDPQ Infra, de son côté, se dit « conscient qu’une interruption de service peut s’avérer particulièrement complexe pour une personne à mobilité réduite ».
« Samedi soir […], les navettes disponibles étaient adaptées pour les personnes à mobilité réduite, comme prévu au plan de relève. Par contre, nous savons que l’accès au terminus du centre-ville, où se trouvaient les navettes du plan de relève, fait l’objet de discussions entre les partenaires associés au transport collectif, pour en améliorer la signalétique et l’accessibilité », affirme le directeur adjoint aux relations médias, Francis Labbé, qui se dit ouvert à « identifier des pistes de solution et d’amélioration ».