Plan d’action gouvernemental en action communautaire : Déception chez les organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux

Temps de lecture estimé : 6 minutes.

Montréal, le 18 mai 2022. Déposé le 14 mai par Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, le Plan d’action gouvernemental en action communautaire 2022-2027 (PAGAC) laisse sur leur faim les ¾ du mouvement de l’action communautaire autonome, soit les 3 000 organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS). Adopté 15 ans après le plan précédent (2004-2007), et trois ans après la tenue d’une consultation, le PAGAC existe enfin, mais sa lecture fait rapidement place à une grande déception. La Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (Table) déplore qu’il ne tienne pas compte du nombre de groupes à soutenir ni ne réponde aux revendications financières et structurelles globales du mouvement.

Un gonflement comptable

Au niveau financier, la plupart des sommes avaient été annoncées dans le budget de mars dernier. Cependant, tant le montant de 834,2M$, destiné au financement à la mission globale, que le total de 1,1 milliard de dollars, claironnés par le ministre et repris par les médias, sont trompeurs. En effet, ils constituent l’addition des montants versés à chacune des 5 années, alors qu’il s’agit presque toujours de la reconduction du montant de l’an 1, avec ou sans bonification ultérieure. C’est comme si le gouvernement cumulait le salaire, récurrent, versé aux membres de l’Assemblée nationale pour siéger durant 4 ans.

Considérant que l’enveloppe du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), pour le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) pour la mission globale, représente actuellement 687M$, et que les besoins supplémentaires s’élèvent déjà à 370M$ par année, l’augmentation de 37,1M$ pour 2022-2023 est famélique. Qui plus est, le montant plafonne à partir de l’an 2 à 40,1M$. En d’autres termes, les OCASSS recevront cette année une augmentation moyenne de 12 000 $, puis la moyenne figera à 13 000 $ pendant les 4 années suivantes.

Mais où est le MSSS?

Le PAGAC ne prévoit rien de plus, pour ces 3 000 groupes, que ces maigres montants. « Le ministre Jean Boulet ayant, selon nos informations, répondu aux demandes adressées par ses collègues, celles du ministre délégué à la santé et aux services sociaux, monsieur Lionel Carmant, semblent avoir été très modestes, tant financièrement que structurellement. En effet, le MSSS est particulièrement absent des 29 mesures annoncées, n’étant mentionné comme partenaire financier qu’en regard du financement à la mission globale, et, comme partenaire administratif que dans 6 autres mesures. Nous nous expliquons très mal ce décalage de la part du ministère qui administre le plus gros des programmes de soutien des organismes communautaires » de dire Gaëlle Fedida, présidente de la Table.

Si l’on peut se réjouir que le PAGAC ait fait une place importante au financement à la mission globale, les 24 autres mesures disposent rarement de montants significatifs, égrenant une somme totale de 42,3 M$ pour l’année 2022-2023. Deux mesures font exception et se partagent la moitié de cette somme : 10 M$ pour aider les groupes communautaires à soutenir les populations vulnérables lors de situations de crises (la COVID-19 étant donné comme exemple) et 13 M$ pour les Carrefours jeunesse emploi du Québec, somme surprenante puisque la plupart des autres mesures disposent de moins de 2 M$ pour couvrir un bien plus grand nombre d’organismes.

Des mesures structurantes absentes

Alors qu’elles étaient demandées par l’ensemble du milieu communautaire, d’importantes mesures structurantes sont malheureusement absentes du document déposé. Le PAGAC est notamment totalement silencieux sur la manière de renforcer l’application de la Politique gouvernementale de l’action communautaire, ni quant à des instruments qui permettraient d’atteindre l’équité de financement, tel que l’instauration de seuils planchers ou de montants de base. Mais ce qui étonne encore plus est l’absence d’action, ni même de chantier de réflexion, visant l’indexation annuelle des subventions, tant pour s’assurer que tous les programmes la prévoient, mais que son calcul soit basé sur la hausse des coûts de fonctionnement des groupes.

La faible indexation du PSOC met en évidence l’absence d’un important levier

Alors que pénurie de main-d’œuvre et la rétention du personnel semble préoccuper le ministre Boulet, il n’a pas utilisé le PAGAC comme levier pour permettre aux groupes d’offrir de bonnes conditions de travail.

Le PSOC est l’un des rares programmes à indexer les subventions de fonctionnement, mais ne tenant pas compte de la hausse des coûts de fonctionnement des OCASSS, ceux-ci en sortent appauvris. En effet, il est basé, d’une part, sur l’indice des prix à la consommation (IPC), alors que les OCASSS sont des employeurs et non des ménages consommateurs, et, d’autre part, il est en décalage avec la situation actuelle puisqu’il s’appuie sur une projection de l’IPC, issue de prévisions d’économistes du ministère des Finances.

«L’annonce, 10 jours à peine avant le dépôt du PAGAC, qu’un taux d’indexation de 2,9% sera appliqué aux subventions est inadaptée à la situation économique actuelle, l’IPC de mars étant de 6,7%. C’est totalement incohérent face à l’un des objectifs du PAGAC, qui vise l’amélioration des conditions de travail, ainsi que l’attraction et la rétention du personnel. En effet, l’indexation des subventions des OCASSS ne leur permettra pas d’assumer l’inflation, car elle ne couvrira ni l’indexation des salaires et des charges correspondantes, ni la hausse des coûts de déplacements ou d’organisation d’activités pour leurs membres », de dire Jean-Pierre Ruchon, du comité de coordination de la Campagne CA$$$H (Communautaire autonome en santé et services sociaux — Haussez le financement).

« Uniquement pour les frais salariaux directs et indirects, un calcul rapide montre que l’indexation d’une subvention de 140 000$ n’équivaudra qu’à 4 000$, soit à moins du tiers du montant qui sera nécessaire pour indexer les salaires selon l’IPC. Quant au remboursement des frais de déplacement selon le kilométrage, ce n’est évidemment pas avec 2.9% d’indexation qu’un OCASSS pourra rembourser les coûts de membres à la pompe à essence. Le MSSS ne peut laisser les OCASSS passer l’année courante avec une si faible indexation. Une solution doit être trouvée», complète Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table.

Ayant demandé à rencontrer le ministre Lionel Carmant, notamment relativement au PAGAC, la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles compte lui présenter les problèmes liés à l’insuffisance de l’indexation et chercher avec lui des solutions adaptées à l’inflation. À situation exceptionnelle, corrections exceptionnelles.

Publié le 18 mai 2022
Par TRPOCB - Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles