Quand le réseau de la santé rejoint celui de l’éducation à l’école

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Une clinique de pédiatrie sociale entre les murs d’une école. C’est un modèle qui commence à faire ses preuves dans un quartier de Montréal, où les familles, souvent issues de l’immigration, ne savent souvent pas comment accéder aux services qui aideraient leurs enfants.

Aux yeux de plusieurs spécialistes et professionnels, c’est la meilleure façon d’entourer les élèves vulnérables, en prenant en charge à la fois l’enfant, sa famille et tous les aspects de son développement.

À l’École Henri-Beaulieu, ces élèves peuvent consulter un pédiatre ou un musicothérapeute sans avoir à sortir du bâtiment. Yasmine a pu ainsi s’éclipser de son groupe de 5e année, le temps d’un suivi médical et psychosocial. Sa mère est venue la rejoindre à l’école pour rencontrer le médecin et la travailleuse sociale. Au besoin, d’autres professionnels peuvent être mis à contribution.

Depuis près de cinq ans, le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys a mis un local à la disposition de la Clinique de pédiatrie sociale de Saint-Laurent. C’est que l’école primaire est située dans un quartier enclavé.

La direction ne se passerait plus de cette clinique à même l’école, puisqu’elle permet de donner de la continuité dans les services que requièrent ses élèves plus vulnérables.

« Souvent, on a le système d’éducation d’un côté et le système de santé de l’autre, mais la connexion, le lien entre les deux est souvent absent, affirme Valérie Lacroix, directrice adjointe de l’École Henri-Beaulieu. Et j’ai l’impression d’avoir un pouvoir sur le développement global de l’enfant, pas seulement sur son développement académique, de par ce lien-là que j’ai avec les intervenants du Centre de pédiatrie sociale. »

Comme la vie d’un enfant gravite autour de l’école et de la famille, les différents intervenants estiment que ce modèle de clinique dans l’école permet de répondre plus vite et mieux à l’ensemble des besoins des enfants plus vulnérables.

Le pédiatre Lionel Alberti ne s’imaginait pas voir un jour ses jeunes patients en milieu scolaire, mais comme Valérie Lacroix, il est convaincu des bienfaits de cette collaboration étroite qui lui permet d’avoir une vision globale de la vie de l’enfant.

« C’est pas tant le nombre d’heures qu’on est présents à l’école, mais avec quelle facilité l’école peut nous contacter et avec quelle facilité, nous, on peut obtenir de l’information de l’école », explique le docteur Alberti.

Intervenir plus vite et mieux

Grâce au contact direct avec les enseignants et la famille, les professionnels peuvent mieux comprendre les difficultés d’un élève. « Les enfants et la famille, tout d’un coup, ne voient pas le médecin, l’école, la travailleuse sociale comme trois choses éclatées : ils nous voient comme une équipe », constate Lionel Alberti. Une équipe qui est plus apte à répondre efficacement et rapidement aux besoins d’un élève.

Pour un trouble du déficit de l’attention, par exemple, un enfant obtiendra un diagnostic rapidement, puis des services en quelques mois, alors qu’ailleurs, les délais s’étirent trop souvent sur un ou deux ans.

La présence d’une travailleuse sociale et d’un musicothérapeute dans l’école permet aussi d’organiser des activités complémentaires : des groupes de stimulation pour les enfants du préscolaire, des dîners pour préadolescentes où elles peuvent parler de divers enjeux, et des séances de musicothérapie. Ce dernier service est un des plus populaires.

Le Centre de pédiatrie de Saint-Laurent suit de 20 à 30 élèves à l’École Henri-Beaulieu, et poursuit même son travail auprès d’anciens élèves qui habitent le quartier. C’est le cas de Laury-Anne, qui fréquente maintenant une école secondaire et qui peut encore voir son musicothérapeute au besoin.

« Je parle avec Charles-Antoine des problèmes que je ne pourrais pas aborder avec d’autres personnes, et après, on joue d’un instrument. Moi, c’est la batterie. Ça me fait du bien », dit Laury-Anne Thénor.

Pour le musicothérapeute Charles-Antoine Thibault, ce n’est pas tant le résultat artistique qui compte, mais de créer une relation de confiance, d’apporter une dose de succès ou de réussite dans la vie des élèves.

« Souvent, c’est d’aller faire face à l’anxiété de performance pour que l’élève puisse arrêter de saboter des examens ou d’avoir trop peur de faire des communications orales, par exemple. C’est des choses qu’il apprend avec l’instrument et qu’il peut transférer ensuite dans sa vie de tous les jours. »

Dans ce modèle, la travailleuse sociale Mondiana François joue un rôle de pivot entre l’école et les services psychosociaux disponibles à l’extérieur. « Je pense qu’on fait vraiment une différence », dit Mme François, qui constate que c’est beaucoup plus efficace ainsi.

Sa collègue, Nadjeda Toussaint, y voit les mêmes avantages. « Nous avons accès à l’enfant dans son environnement scolaire et les enseignants savent quand je suis là et à quel moment ils peuvent venir discuter d’une situation avec moi. »

Sur les 45 centres de pédiatrie sociale maintenant présents au Québec, seulement quelques cliniques se trouvent entre les murs d’une école.

Publié le 20 octobre 2022
Par Anne-Louise Despatie