Recours aux services professionnels privés dans le réseau scolaire : le Ministère a‑t-il les données ?

Le 7 décembre 2022, le Vérificateur général du Québec constatait que le ministère de l’Éducation ne dispose pas des données nécessaires pour déterminer les conséquences de la pandémie sur la réussite éducative et les mesures de rattrapage appropriées à mettre en place. Un autre angle mort en éducation est l’offre en sous-traitance de services aux élèves, principalement pour les élèves à besoins particuliers.

En novembre 2022, Radio-Canada publiait un article basé entre autres sur une demande d’accès à l’information réalisée par la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation (FPPE-CSQ) : plus de 65% des organismes scolaires ont recours au privé pour des services de psychologie, d’orthophonie, de psychoéducation, d’ergothérapie et d’orthopédagogie. En 2021, La Presse calculait que les organismes scolaires publics ont payé plus de 10 millions de dollars pour de tels services professionnels privés dans les cinq dernières années.

L’accès à des services professionnels gratuits : un droit des élèves

L’État a toujours choisi de se fier sur le privé pour offrir certains services professionnels. En santé et services sociaux, si 98% des services médicaux sont assumés par le réseau public, seulement 26% des « autres services professionnels », dont ceux des psychologues, orthophonistes ou ergothérapeutes, sont financés par l’État selon l’IRIS (2022).

Pourtant, l’article 1 de la Loi sur l’instruction publique prévoit le droit des élèves des écoles publiques à l’accès à des services professionnels variés et complémentaires, entre autres en psychologie, en orthophonie, en psychoéducation, en orientation et en orthopédagogie. Avec 5 200 professionnel·le·s en services directs à l’élève pour répondre à l’ensemble des besoins du réseau scolaire public (en équivalent temps complet), le manque de ressources est reconnu, entre autres par François Legault et Bernard Drainville.

Qui est imputable ?

Dans le milieu de la santé et des services sociaux, le recours à la main‑d’œuvre indépendante est scruté à la loupe et le ministre Christian Dubé s’est donné des « cibles ambitieuses » pour réduire la dépendance du réseau public à ces ressources privées.

Qu’en est-il pour le réseau scolaire ? Le Ministère ne publie aucune donnée à ce sujet. Même les centres de services et commissions scolaires, qui transmettent ensuite leurs données au Ministère, ne détiennent pas nécessairement l’information. Questionnés à cet effet, plusieurs organismes dont le Centre de services scolaire de Montréal rétorquent que les écoles peuvent conclure des ententes au privé sans transmettre toutes les informations au palier régional, comme le rapporte Radio-Canada.

Des solutions

En juin 2022, le Protecteur du citoyen a émis des craintes concernant les impacts du recours au privé pour les élèves. Il s’agit d’abord d’un enjeu d’équité, mais aussi de garantie de la qualité des services : il déplore entre autres que les recommandations faites par le privé sont souvent loin de la réalité des écoles. La sous-traitance des services professionnels accentue d’ailleurs la médicalisation des difficultés scolaires.

Il faut que le ministre de l’Éducation ait toutes les cartes en main pour assurer la qualité des services éducatifs offerts dans les établissements publics. Pour avoir un portrait juste de la situation, son ministère doit documenter et encadrer le recours à la sous-traitance pour les services aux élèves.

Revoir le modèle de financement et d’organisation des services complémentaires et mettre en place de seuils minimaux de services doivent également devenir une priorité pour enfin répondre aux besoins des élèves.