Salués comme une bouffée d’air frais par le milieu économique pour aider à traverser la crise sanitaire, les décorations et l’élargissement des terrasses sur la Des Forges, au centre-ville de Trois-Rivières, font rager plusieurs personnes à mobilité réduite pour qui les trottoirs représentent un casse-tête depuis deux ans.
Avec seulement deux pieds pour passer, et parfois moins, les personnes en fauteuil roulant ne peuvent plus circuler librement sur le trottoir comme c’était le cas auparavant et doivent demander une rampe pour entrer dans les commerces. «C’est un recul évident pour notre autonomie», fait valoir un homme qui circule en chaise roulante depuis une quarantaine d’années et qui a préféré ne pas être identifié.
«Ça brime mes droits et pas à peu près, déplore celui qui se promène régulièrement seul dans différents endroits publics. Oui, la rue est fermée, mais ça ne me donne pas accès à nulle part.»
«Je suis un sorteux, raconte-t-il. Je vais régulièrement à Montréal et à Québec et je n’ai jamais vu ça. Je vais dans le Vieux-Québec, je n’ai aucun problème et j’arrive chez nous à Trois-Rivières, et je ne suis pas capable de passer.»
Cette situation est d’ailleurs vécue par plusieurs personnes qui déplorent la situation au centre-ville de Trois-Rivières. «On se le fait dire souvent par des personnes à mobilité réduite», admet le coordonnateur à l’accessibilité chez Bail-Mauricie, Stephan Huard-Zamorano.
«Si on est au centre-ville, seul en fauteuil roulant, ça se peut qu’on ait un peu de misère, mentionne le coordonnateur à l’accessibilité. Si les gens sont dans le rush ou qu’il n’y a personne qui te voit à l’extérieur, tu es juste là à attendre que quelqu’un puisse te remarquer pour mettre une rampe pour te faire monter.»
«Il faudrait quelque chose de permanent ou que tu places au début de la journée et que tu enlèves à la fin de la journée. Une excuse qu’on s’est fait dire, c’est par rapport au nettoyage des rues, mais c’est une fois par semaine et le reste du temps, ça ne pose pas de problème, continue-t-il. Dans d’autres villes, ils mettent des rampes permanentes dans les rues piétonnes et les machines qui nettoient les rues et les trottoirs font juste passer à côté.»
«C’est aussi un élément qui peut nuire aux personnes ayant des déficiences visuelles. Toutes les pancartes sur pattes dans la rue, ou les terrasses comme au café Morgane avec des tables qui bloquent la circulation: ils sont pris dedans avec leur canne blanche», donne-t-il en exemple.
Celui-ci travaille de concert avec la Ville de Trois-Rivières et les différents organismes pour tenter de les sensibiliser à la cause des personnes handicapées et pour leur faire part des améliorations qui sont possibles. S’il note des améliorations à Trois-Rivières au chapitre de l’accessibilité depuis un an, comme le tapis de plage récemment installé à l’île Saint-Quentin, la libre circulation sur les trottoirs de la rue des Forges pour les personnes en fauteuil roulant demeure toujours un combat.
«Peut-être que l’an prochain ça pourrait changer, mais il n’y a rien qui est garanti, malheureusement, souligne Stephan Huard-Zamorano. De ce que j’ai compris, les restaurateurs et les commerçants du centre-ville avaient peur d’une autre vague et ils ont poussé pour garder les mesures qu’ils avaient.»
Du côté de la Ville de Trois-Rivières, il n’a pas été possible de s’entretenir avec un porte-parole, la semaine dernière, alors que le service des relations avec les médias fonctionne au ralenti en cette période de vacances.
Le conseiller du district de Marie-de-l’Incarnation, Richard W. Dober, assure quant à lui que cette situation mérite que le conseil municipal s’y attarde et qu’une réflexion s’impose pour l’an prochain.
«Je ne suis définitivement pas insensible à ça. C’est quelque chose qui devrait se discuter. C’est loin d’être déraisonnable, a-t-il admis. Je suis tout à fait d’accord à ce qu’on analyse ça avec les gens en place à la Ville. Il y a plusieurs dossiers avec lesquels je suis en train de croiser le fer pour avoir de l’amélioration et de la sécurité pour le transport actif.»
«Il faut un moment donné investir dans le service à la population. On met beaucoup trop d’argent dans les événements. On est en train de se faire prendre dans un genre de piège. Ça coûte de plus en plus cher et un moment donné, on n’arrive plus. Quand on n’arrive plus, on fait face à des problèmes où il y a des choses qui doivent se faire, qui devraient se faire rapidement, et on n’a pas les ressources financières. Il faudra un moment donné qu’on s’assoit et qu’on regarde c’est quoi les priorités dans cette ville-là», a lancé le conseiller avant d’assurer de son appui inconditionnel dans le dossier.