Une hausse de 5 % insuffisante pour sortir les personnes handicapées de la pauvreté

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Lorsqu’on lui a demandé s’il pourrait vivre avec 1200 $ par mois, le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, a préféré contourner la question.

Le gouvernement Ford augmente de 5 % les prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Il s’agit d’une des seules modifications apportées au budget provincial présenté la semaine dernière par rapport à sa version préélectorale. Or, plusieurs personnes dont la survie repose sur le programme estiment que la hausse proposée par le gouvernement Ford est dérisoire.

Il y a un an, Ronald Hoppe s’est fait amputer une partie de la jambe gauche et plusieurs orteils de la jambe droite après une série d’infections qui n’ont pas été traitées à temps. Depuis, il tente de s’adapter à cette réalité qu’il n’avait jamais anticipée. « Ça a été extrêmement difficile », dit-il.

Le résident de Kitchener, qui est également aux prises avec des problèmes de vision, dépend aujourd’hui de programmes d’aide sociale, dont le POSPH, pour subvenir à ses besoins. « Je ne sais pas comment je pourrais tenir un travail de 9 h à 17 h », explique-t-il.

 « Je dépends du système pour m’aider dans cette épreuve, mais je me rends compte qu’il est inadéquat pour subvenir à mes besoins de base. » – Ronald Hoppe, résident de Kitchener qui bénéficie du POSPH

À partir de septembre prochain, les personnes handicapées vivant seules qui ont accès au programme de soutien financier pourront recevoir jusqu’à 1227 $ par mois. C’est 58 $ de plus que les prestations actuelles, qui n’ont pas changé depuis 2018. La province promet également d’indexer le programme à l’inflation à partir de l’année prochaine.

Après l’augmentation de 5 %, une personne seule qui reçoit la prestation maximale recevra 14 724 $ par année, un montant bien en deçà du seuil de pauvreté qui oscille autour de 22 000 $ par année en Ontario, selon les chiffres de Statistique Canada.

Vivre avec 1200 $ par mois

Lorsqu’on lui a demandé la semaine dernière s’il pourrait vivre avec 1200 $ par mois, le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy, a préféré contourner la question en disant « faire ce qu’il avait promis de faire ».

M. Hoppe peut répondre à cette question.

Il réussit à s’alimenter en partie grâce aux banques alimentaires de la région. Mais son diabète l’empêche de prendre tous les aliments qui y sont disponibles puisqu’il estime que la plupart des produits offerts contiennent trop de sucre et de sel.

Il complète ses emplettes en faisant le tour des supermarchés pour trouver des aliments vendus à prix réduit lorsqu’ils approchent de leur date de péremption. « C’est embarrassant, atroce et horrible », soutient le résident de Kitchener, qui dit devoir constamment faire des sacrifices.

L’inflation rend sa situation encore plus précaire. De plus, il explique que son handicap vient avec une charge financière additionnelle. « Je ne peux pas vivre dans une boîte à chaussures », illustre M. Hoppe. Lorsqu’est venu le temps de trouver un nouveau logement, il y a quelques mois, il a dû débourser un montant supplémentaire pour un appartement suffisamment grand pour qu’il puisse se déplacer en fauteuil roulant.

Sans l’aide qu’il reçoit de ses parents à la retraite, M. Hoppe estime qu’il n’arriverait pas à joindre les deux bouts. Malgré tout, il croit que plusieurs personnes qui dépendent du POSPH se retrouvent dans une situation encore plus fragile.

2000 $, un standard établi par la PCU, selon des groupes militants

« La situation des personnes qui bénéficient du POSPH est vraiment terrible », soutient Anthony Frisina, directeur des relations avec les médias pour l’Ontario Disability Coalition.

Le 25 juillet dernier, il s’est joint à plus de 200 organismes ontariens pour demander au gouvernement Ford de doubler les prestations de soutien aux personnes handicapées.

M. Frisina estime que les prestations du POSPH devraient atteindre au moins 2000 $ par mois, le montant de la prestation canadienne d’urgence (PCU) instaurée par le gouvernement fédéral durant la pandémie. Celle-ci a établi un standard pour les programmes d’aide sociale au Canada, selon lui.

« Nous devons voir [cette augmentation] de la perspective d’une main tendue, et non d’un don de charité », dit-il.

Lors de la dernière campagne électorale provinciale, le NPD avait promis de doubler les prestations du POSPH s’il était élu, copiant ainsi l’initiative du Parti vert.

Mais même avec l’appui des partis d’opposition, les principaux intéressés demeurent sceptiques. Aucune des politiques du gouvernement Ford n’incite M. Hoppe à croire qu’il augmentera le financement du soutien aux personnes handicapées.

« Je ne vois pas comment ça pourrait arriver. Tout ce que j’envisage, c’est plus de souffrance. » – Ronald Hoppe

Pour sa part, M. Frisina entend continuer de se battre pour que les personnes handicapées sortent de la précarité et qu’ils puissent vivre une vie qu’ils ont choisie plutôt que celle qui leur est imposée. « Ça leur permettrait de trouver des emplois plus facilement, de contribuer à la communauté et de participer à l’économie », soutient-il.

En Ontario, le revenu de près de 300 000 personnes seules et plus de 200 000 familles repose en partie ou en totalité sur le POSPH.

Publié le 17 août 2022
Par Yanick Lepage