Vélos à assistance électrique — Cohabiter sur des pistes bondées

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(Drummondville) La hausse de popularité des vélos à assistance électrique (VAE) crée de nouveaux défis du partage des pistes cyclables et des sentiers de vélo, a fait valoir un panel d’experts au plus récent colloque organisé par Vélo Québec.

Les pistes cyclables de la province ont déjà été dédiées à la pratique du vélo, mais ces dernières années, c’est tout un écosystème de mobilité qui y circule.

« On y retrouve des vélos, des vélos à assistance électrique, des scooters électriques, des motos électriques, des triporteurs, des quadriporteurs, des trottinettes électriques, des patins à roulettes, des gyropodes, des planches à roulettes, des planches à roulettes électriques… C’est à se demander si les voies cyclables portent encore bien leur nom », a signalé Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec.

Mme Bebronne animait mercredi un panel d’experts sur le sujet des défis de la cohabitation sur les pistes cyclables et les sentiers multifonctions du Québec dans le cadre du colloque Transformer nos milieux de vie par le vélo, qui a réuni près de 300 participants durant deux jours à Drummondville.

La présence de tous ces utilisateurs sur un petit bout de chaussée crée de la frustration, a dit Mme Bebronne. « Plus grave encore, ça peut créer un sentiment d’insécurité et empêcher des usagers d’utiliser ces infrastructures. »

En février 2020, le gouvernement fédéral a avisé les provinces de trouver leur propre définition des vélos à assistance électrique, définition qui pourrait être utilisée pour savoir qui peut ou ne peut pas utiliser les pistes cyclables, a‑t-elle dit. Or, le gouvernement du Québec n’a toujours pas établi sa définition, de sorte qu’un vide réglementaire s’est installé.

Le Dr Jean-François Joncas, chirurgien orthopédiste au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke et président sortant de l’Association d’orthopédie du Québec, note que même si des données sur les accidents impliquant les VAE n’existent pas, la hausse de leur popularité, notamment durant le confinement de la COVID-19, a causé une hausse des blessures.

“Sur le terrain, on a l’impression qu’il y a une augmentation des blessures à vélo. Le vélo à assistance électrique est un vélo lourd. Quand les gens qui l’utilisent sont un petit peu plus vieux et ont les os un petit peu plus fragiles, l’impact peut provoquer des blessures importantes.” — Docteur Jean-François Joncas, chirurgien orthopédiste au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke

Le Dr Joncas croit qu’une des façons d’améliorer le portrait serait de faire respecter une limite de vitesse sur le réseau cyclable. Aussi, une formation pour les usagers de vélo électrique pourrait être une solution.

Parallèlement, de plus en plus de travailleurs voient le vélo électrique comme une solution à l’auto solo et à l’émission de gaz à effet de serre pour aller travailler. À ce sujet, Équiterre et des partenaires ont lancé le projet pilote Vélovolt, qui a fourni des vélos à assistance électrique pendant un mois à des employés dans plusieurs endroits du Québec pour qu’ils l’utilisent pour aller travailler, a dit Marilène Bergeron, gestionnaire de programme en mobilité chez Équiterre.

« Il y a 36 % des travailleurs au Québec qui vivent à moins de cinq kilomètres de leur lieu de travail. Pourtant, 78 % des trajets vers le travail se font en voiture. Donc, il y a un fort potentiel pour la promotion de la mobilité active », a‑t-elle dit.

Problèmes de perception

Marie-Soleil Cloutier, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et directrice du Centre Urbanisation Culture Société, a dit avoir souvent entendu des mots durs contre les cyclistes lorsqu’elle fait des groupes de discussion avec des groupes de piétons, notamment des aînés.

« Les cyclistes n’ont vraiment pas bonne réputation, je suis vraiment désolée si je vous l’apprends aujourd’hui », a‑t-elle déclaré.

Selon les projets d’observation de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), les cyclistes respectent la signalisation la plupart du temps.

Or, après avoir réalisé plusieurs projets d’observation à Montréal et à Vancouver, où 4000 piétons ont été observés en train de traverser la rue, son équipe et elle ont réalisé que dans environ 15 % des cas, un cycliste était à moins de deux mètres de la personne qui traversait.

« Donc 15 %, finalement, ce n’est pas tant que ça », dit-elle.

Depuis deux ans, Marie-Soleil Cloutier et son équipe ont aussi analysé les interactions entre piétons et cyclistes sur les espaces piétonnisés comme celui de l’avenue du Mont-Royal durant l’été. Dans ces observations, c’est 30 % des cyclistes qui sont passés près d’un piéton. « Mais la plupart du temps, ils roulent en ligne droite, tranquillement, comme la signalisation le demande. Et c’est souvent le cycliste qui se tasse un peu quand il y a un piéton. »

Des résultats qui rassurent sur la politique de cohabitation respectueuse sur les espaces piétonnisés, dit-elle. « Mais bon, c’est sûr que ça en prend juste un qui va trop vite pour qu’on en entende parler aux nouvelles. Mais, de façon générale, la cohabitation se passait bien. »

En savoir plus

  • 100C’est le nombre de vélos à assistance électrique qui peuvent être construits avec la même empreinte carbone qu’une seule voiture berline électrique. SOURCE : Faction Bike
Publié le 27 octobre 2022
Par Nicolas Bérubé