
Pendant que le projet de Réseau express vélo (REV) près du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) provoque la crainte d’accidents et de congestion chez plusieurs ambulanciers, d’autres services d’urgence de Montréal notent que la cohabitation avec les cyclistes ne génère pas de problème majeur.
Des pistes cyclables achalandées passent en face des casernes de pompiers 16 et 30, situées rue Rachel et avenue Laurier Ouest, dans Le Plateau-Mont-Royal. Les pompiers rencontrés sur place parlent de relations cordiales, malgré « l’insouciance » occasionnelle de certains cyclistes.
« Tout se passe très bien. Je pense que c’est presque mieux qu’il y ait des voies cyclables, comme ça, on sait où les vélos vont passer », dit un pompier qui a requis l’anonymat, car il n’est pas autorisé à parler aux médias.
Pour prévenir d’éventuels accidents, la solution passerait, selon eux, par une sensibilisation plus large de la population cycliste, la signalisation étant déjà abondante. Les cyclistes rencontrés sur place ne rapportent pas, eux non plus, d’incident majeur avec les camions de pompiers.
« Ici, c’est bien délimité, chacun a son emplacement pour rouler », indique Goran Tintor sur sa bicyclette, devant la caserne 16.
« Des fois, les camions sortent, mais on attend », précise Daniel Tomelleri, qui fait la navette entre chez lui et son travail depuis six ans par la voie cyclable de la rue Rachel.
Si les cyclistes du Plateau s’entendent pour dire que la coexistence avec les services d’urgence n’est pas un problème, ils pensent aussi que l’arrivée d’un REV est toujours une bonne nouvelle.
« Ça nous protège des voitures, on est plus calmes », lance Safa Mabrouk. « On se sent plus en sécurité, c’est sûr. Quand il y a des pistes cyclables, les voitures sont plus portées à regarder », ajoute Sara Desormeaux, résidente du Plateau de passage près du CHUM, rue Viger.
Pour leur part, les ambulanciers du CHUM craignent plutôt que le REV projeté par la Ville de Montréal à cet endroit, au centre-ville, nuise à l’accès aux urgences de l’hôpital.
L’autre réalité du CHUM
Une piste cyclable délimitée par une bande de peinture passe déjà devant l’entrée des ambulances. Pour améliorer la sécurité des cyclistes, la Ville souhaite y aménager une voie protégée par une bordure de béton, comme ce que l’on retrouve ailleurs dans la métropole, notamment sur les rues Saint-Denis et de Bellechasse.
Craignant des accidents et de la congestion, la direction du CHUM a envoyé une mise en demeure à la Ville pour empêcher l’aménagement du REV sur la rue Viger, devant l’hôpital.
Après avoir amené un patient aux urgences, plusieurs ambulanciers disent utiliser la piste cyclable pour se stationner le temps de remplir le rapport d’intervention qu’ils doivent ensuite déposer à l’intérieur du CHUM. La COVID-19 ne faciliterait pas non plus la situation, puisqu’il serait impossible depuis la pandémie de réaliser cette tâche à l’intérieur, selon des témoignages recueillis par Le Devoir.
Ces professionnels de la santé rappellent qu’en cas de débordement dans le garage, une ambulance pourrait aussi devoir débarquer un patient à l’extérieur. Les ambulanciers font valoir que la présence d’une bande cyclable de béton leur compliquerait la tâche et mettrait les patients en danger.
Les ambulanciers craignent de perdre leur droit de se garer dans la piste cyclable. Ils dénoncent aussi la présence de cyclistes jugés téméraires, peu respectueux des véhicules d’urgence.
Des cyclistes aimeraient quant à eux d’avoir une voie protégée qui leur éviterait de dévier vers la rue ou le trottoir pour contourner les véhicules immobilisés dans la voie cyclable.
D’autres ne se choquent toutefois pas outre mesure de la pratique des ambulanciers. « Je passe tous les jours, du lundi au vendredi. Je travaille un peu plus loin. Il n’y a pas de problème », indique Serge Bernier, arrêté sur son vélo à l’intersection des rues Viger et Sanguinet. « Les ambulanciers sont super prudents, ils font attention aux cyclistes. »
Jean-Michel Coloré, touriste qui passait dans le quartier, considère plutôt que « ce sont les travaux partout autour qui dérangent », lance à la blague le visiteur, accompagné de ses deux fils.
Tout en évitant de comparer sa situation à celle d’autres services d’urgence de Montréal, le CHUM a affirmé jeudi être « ouvert à discuter de propositions d’aménagement avec la Ville et à trouver des solutions sécuritaires et viables pour tous ».